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Les excès de chaleur peuvent représenter un réel danger pendant la grossesse.

/// Dans les pays riches qui investissent massivement pour se préparer au changement climatique, les risques spécifiques pour les femmes enceintes sont rarement pris en compte dans le contexte de chaleur extrême. /// Photo Crédits : Alamy Stock Photo

Un excès de chaleur peut représenter un réel danger pendant la grossesse.

Une forte chaleur peut représenter un réel danger pendant une nouvelle grossesse. Cette étude explore les raisons de cette situation.
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/// Groupe de femmes enceintes travaillant dans un champs de blé sous une chaleur intense, les risques d'épuissement font courir de sérieux risques au foetus /// Photo Crédits : Alamy Stock Photo

Une étude pionnière sur les impacts de la chaleur lors de la grossesse

Au cœur de l’Université de Sydney, une expérience singulière a récemment eu lieu. Une participante, une chercheuse postdoctorale, a subi une session d’entraînement intense sur un vélo stationnaire dans des conditions de chaleur et d’humidité extrêmes, recréées dans une chambre climatique spécialisée. Malgré l’inconfort et une perte de poids conséquente liée à la transpiration abondante, elle a démontré une résilience remarquable face à cet environnement hostile. Cependant, cette démonstration n’était qu’un prélude à une étude d’envergure qui s’annonce. Dans les mois à venir, de nombreuses femmes enceintes seront amenées à réaliser des exercices physiques au sein de cette même chambre climatique. 

L’objectif ? Simuler les conditions auxquelles sont confrontées des millions de futures mères à travers le monde, contraintes d’effectuer des efforts dans des chaleurs extrêmes, en raison des changements climatiques. Financée par un généreux soutien de 2 millions d’euros de la Wellcome Trust, cette recherche novatrice s’inscrit dans une initiative plus vaste visant à étudier les risques liés à la chaleur pendant la grossesse, avec une enveloppe globale de 16,5 millions d’euros allouée cette année. Les enjeux sont cruciaux. De nombreuses études épidémiologiques ont déjà établi un lien indéniable entre l’exposition à la chaleur et des complications telles que les naissances prématurées, les faibles poids à la naissance, les mortinaissances et les anomalies congénitales. Le risque de prématurité, principal facteur de mortalité infantile mondiale, pourrait s’aggraver avec le réchauffement climatique. 

Bien que la majorité des données proviennent actuellement de pays à revenu élevé, les impacts pourraient être encore plus dévastateurs dans les régions les plus vulnérables du Sud, où les femmes enceintes sont davantage exposées à des travaux physiques intenses dans des environnements chauds. Au-delà des risques pour le fœtus, l’exposition à la chaleur pendant la grossesse a également été associée à des complications maternelles graves, comme le diabète gestationnel et la prééclampsie. Face à ces enjeux majeurs, les chercheurs de Sydney entendent apporter des réponses concrètes en déterminant des limites sécuritaires d’exposition à la chaleur pour les femmes enceintes. Une avancée cruciale pour guider les politiques de santé publique et offrir des recommandations adaptées aux populations les plus vulnérables.

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/// Femme enceinte dans une chambre climatique du centre de recherche de Sydney, où des chercheurs prévoient une étude visant à définir les limites sûres d'exposition à la chaleur pendant la grossesse. /// Crédits : Alamy Stock Photo

Les défis thermorégulateurs uniques de la grossesse

Le corps humain dispose de mécanismes remarquables pour maintenir une température corporelle centrale idéale d’environ 37°C. Parmi eux, la transpiration joue un rôle primordial en permettant d’évacuer efficacement la chaleur produite par l’organisme et absorbée de l’environnement extérieur. Cependant, la compréhension scientifique actuelle de ces processus thermorégulateurs repose principalement sur des études menées auprès d’hommes jeunes et en bonne santé. 

Les modèles d’évaluation du stress thermique, tels que l’indice thermique climatique universel (UTCI), sont ainsi calibrés sur des sujets masculins de corpulence standard. Or, la physiologie féminine, en particulier lors de la grossesse, diffère considérablement de ces paramètres de référence. Les changements corporels liés à la gestation, notamment l’augmentation de la masse grasse et de la rétention d’eau, influencent significativement les capacités thermorégulatrices. Cette réalité soulève des interrogations cruciales. En effet, le maintien d’une température corporelle optimale revêt une importance capitale pendant la grossesse. Toute déviation, comme une fièvre élevée, peut s’avérer tératogène, c’est-à-dire susceptible de provoquer des malformations fœtales graves, en particulier durant le premier trimestre. 

Pourtant, malgré ces enjeux majeurs, les études spécifiques sur la thermorégulation pendant la grossesse restent rares. De plus, la quasi-totalité des recherches menées jusqu’à présent se sont concentrées exclusivement sur les femmes cisgenres, négligeant ainsi d’autres réalités de genre. Face à ces lacunes, des scientifiques de pointe se mobilisent pour approfondir notre compréhension des défis thermorégulateurs uniques auxquels sont confrontées les personnes enceintes. Une meilleure connaissance de ces mécanismes physiologiques singuliers est essentielle pour assurer une grossesse saine et sans risque, même dans des environnements chauds extrêmes exacerbés par le changement climatique.

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/// Cette thermographie montre dans la zone rouge le niveau de chaleur interne généré par un fœtus en croissance pénètre jusqu'à la peau. /// Crédits : Alamy Stock Photo

Des mécanismes physiologiques uniques pour faire face à la chaleur

Bien que confrontées à des défis thermorégulateurs accrus, les femmes enceintes disposent également de capacités physiologiques remarquables pour maintenir leur température corporelle dans des conditions de stress thermique. Dès le troisième trimestre, le volume de plasma sanguin augmente considérablement, jusqu’à 50% ou plus. Ce phénomène permet d’accroître le flux de fluides vers les vaisseaux cutanés dilatés, favorisant ainsi la dissipation de la chaleur corporelle vers l’environnement extérieur, à condition que celui-ci soit plus frais que le corps. Dans le cas contraire, c’est le processus de transpiration qui prend le relais. De plus, la grossesse induit une détente des petites artères et artérioles des membres, optimisant la circulation sanguine périphérique et facilitant le refroidissement. Certaines études suggèrent même que le seuil de déclenchement de la transpiration serait abaissé pendant cette période. Ces adaptations physiologiques uniques semblent effectivement conférer aux femmes enceintes une capacité accrue à réguler efficacement leur température corporelle centrale. Une récente étude menée à Sydney a d’ailleurs démontré que 15 participantes enceintes soumises à des exercices physiques dans une chambre climatique à 32°C ont maintenu leurs températures internes dans des limites sécuritaires, avec des performances égales voire supérieures à celles de témoins non enceintes. Cependant, ces conditions contrôlées en laboratoire sont loin de refléter les réalités auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes enceintes à travers le monde, notamment dans les régions rurales les plus vulnérables au changement climatique.

Études de terrain dans les régions vulnérables

Une approche clé consiste à mener des études anthropologiques et des entretiens approfondis auprès des femmes enceintes et de leur entourage dans les régions où elles sont régulièrement exposées à des chaleurs extrêmes, comme certaines zones rurales d’Afrique. En observant directement leurs comportements et en recueillant leurs témoignages, les chercheurs peuvent identifier les pratiques potentiellement dangereuses liées à la chaleur, comme :

  • Éviter de boire de l’eau par crainte des contaminants.
  • Renoncer aux soins prénataux en raison des longues distances à parcourir au soleil.
  • Ne pas utiliser de moustiquaires la nuit pour des raisons de confort thermique

Études en chambres climatiques contrôlées

En parallèle, des études sont menées en conditions contrôlées dans des chambres climatiques spécialisées, où les femmes enceintes effectuent des exercices physiques sous différents niveaux de chaleur et d’humidité. Cela permet aux scientifiques de :

  • Déterminer les seuils de stress thermique dangereux pour la mère et le fœtus
  • Identifier les signes avant-coureurs d’un coup de chaleur (température corporelle, sudation, etc.)
  • Établir des recommandations précises sur les limites d’exposition sécuritaires

En combinant ces données terrain et en laboratoire, les chercheurs pourront définir des comportements et environnements à risque, mais aussi proposer des mesures concrètes pour protéger la santé des femmes enceintes face aux chaleurs extrêmes.

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Examen des capteurs utilisés pour contrôler une chambre climatique /// Crédits : Alamy Stock Photo
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Une femme enceinte est équipée d'un masque pour estimer sa production interne de chaleur pendant un entrainement de cyclisme. /// Crédits : Alamy Stock Photo

Un protocole rigoureux pour étudier les impacts de la chaleur

Dans le cadre de cette étude novatrice, les participantes suivront un protocole strict visant à collecter des données physiologiques cruciales, tout en assurant leur sécurité et celle de leur fœtus. Plusieurs heures avant chaque session, elles ingéreront une capsule thermosensible qui, durant son transit intestinal, transmettra sans fil leur température corporelle centrale toutes les 15 secondes à un enregistreur externe. Ce dispositif permettra aux scientifiques d’identifier précisément le point de bascule où l’organisme ne parvient plus à maintenir son homéothermie, entraînant une hausse rapide de la température interne. 

Les chercheurs analyseront alors l’influence de multiples facteurs tels que les conditions climatiques, le stade de grossesse, l’âge, la fréquence cardiaque ou encore la morphologie corporelle sur ce seuil critique. L’ensemble de ces données sera intégré dans un modèle biophysique afin de développer un outil numérique prototype. Cet outil innovant, alimenté par les prévisions météorologiques locales et les caractéristiques individuelles de chaque femme enceinte, pourra déterminer avec précision les limites d’exposition sécuritaires en termes de durée, d’intensité d’effort et de température ambiante maximale. 

Si les résultats s’avèrent concluants, cet outil pourrait être déployé à grande échelle pour protéger les populations de femmes enceintes vulnérables au stress thermique, notamment dans les régions les plus menacées par le changement climatique. Bien que prometteuse, cette recherche soulève des enjeux éthiques importants. Les scientifiques insistent sur la rigueur des mesures de sécurité mises en place et le strict respect du consentement éclairé des participantes, qui resteront libres d’interrompre leur participation à tout moment, sans avoir à se justifier.

Les scientifiques mesurent la température centrale des femmes enceintes pendant leurs études

Ils utilisent une méthode non invasive impliquant l’ingestion d’une capsule thermosensible par les participantes avant chaque session d’étude. Cette capsule spéciale reste dans les intestins pendant plusieurs heures et transmet sans fil la température corporelle centrale toutes les 15 secondes à un enregistreur externe porté par la participante. Cette technique permet d’obtenir des mesures précises et en continu de la température interne réelle, sans avoir recours à des méthodes plus invasives ou inconfortables comme la prise de température rectale. 
 
Les chercheurs peuvent ainsi surveiller en temps réel l’évolution de la température corporelle centrale des femmes enceintes lorsqu’elles sont soumises à différentes conditions de chaleur et d’effort physique dans la chambre climatique. Cela leur permet d’identifier le point critique où l’organisme ne parvient plus à réguler sa température interne, qui commence alors à augmenter rapidement. À ce stade, la session est généralement interrompue par sécurité. Cette méthode de suivi de la température centrale par capsule thermosensible ingérée est donc un outil clé pour étudier en toute sécurité les impacts de la chaleur sur la thermorégulation des femmes enceintes.
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/// Risques des femmes enceintes liés à la chaleur /// Crédits : Alamy Stock Photo

Combler un manque criant de données

Bien que l’exposition à la chaleur extrême pendant la grossesse soit une réalité pour de nombreuses femmes à travers le monde, force est de constater qu’aucune étude approfondie n’avait encore été menée sur ses impacts physiologiques réels. Les scientifiques sont désormais conscients de l’urgence à remédier à ce manque de données, en adoptant des protocoles rigoureux pour assurer la sécurité des participantes. 

Quelques pionniers ont récemment ouvert la voie. Une équipe a publié en décembre 2022 les résultats de la toute première étude de terrain explorant les effets du stress thermique sur la mère et le fœtus. En suivant 92 femmes enceintes agricultrices en Gambie, ils ont constaté que leur exposition fréquente à des chaleurs extrêmes entraînait directement une tension fœtale, caractérisée par une réduction du flux sanguin placentaire et des anomalies du rythme cardiaque du fœtus. Cependant, les mécanismes précis menant à des complications comme la prématurité, la mortinaissance ou le retard de croissance restent encore mal compris. 

Plusieurs hypothèses sont avancées, impliquant des dérèglements génétiques, une inflammation cellulaire, des perturbations hormonales ou une diminution de la vascularisation placentaire. Face à ces zones d’ombre, de nouvelles études ambitieuses sont lancées pour apporter des réponses. Financée par la Wellcome Trust, une vaste étude prospective recueillera des données auprès de 762 femmes enceintes en Gambie, en comparant les niveaux de stress thermique entre régions côtières et intérieures plus chaudes. Le flux sanguin placentaire, la physiologie maternelle, la santé néonatale et les tissus placentaires seront analysés.

Les principaux résultats de l’étude menée en Gambie sur l’impact du stress thermique sur les femmes enceintes

L’étude, publiée en décembre 2022, est la première du genre à explorer sur le terrain les effets physiologiques du stress thermique sur la mère et le fœtus. L’équipe de recherche a suivi 92 femmes enceintes agricultrices vivant en Gambie, régulièrement exposées à des chaleurs extrêmes. Ils ont constaté que cette exposition fréquente à la chaleur entraînait directement une tension fœtale, définie par :

  • Une réduction du flux sanguin dans l’artère ombilicale, signe d’un dysfonctionnement placentaire
  • Un rythme cardiaque fœtal en dehors de la plage normale de 115 à 160 battements/minute

Plus précisément, les chercheurs ont observé que la probabilité de tension fœtale augmentait de 17% pour chaque hausse de 1°C de la température, mesurée par l’indice thermique universel climatique (UTCI) qui prend en compte température, humidité, vent et rayonnement. Bien que cette étude n’établisse pas de lien direct avec des complications comme la prématurité ou le retard de croissance, elle fournit les premières données de terrain sur les impacts physiologiques concrets du stress thermique sur le fœtus pendant la grossesse

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